Transitions

Écho : « Nous envisageons de ne plus nous croiser, car la petite assiste à nos disputes, quasi systématiques. Désormais, la transition se fera à l’école en période scolaire, il reste à définir comment faire lors des vacances. Voilà où nous en sommes. Pour le reste, on communique par mail uniquement si nécessaire…moins on le fait, mieux l’on se porte »

La transition, le passage d’un parent à l’autre, témoigne parfois de la persistance des dysfonctionnements relationnels à l’origine de la séparation. Ce qui n’est pas sans impact pour l’enfant, première victime silencieuse d’un schéma répétitif, transféré du couple conjugal au couple parental. Il est fréquent d’entendre en médiation, l’expression d’un soulagement lorsque s’instaure une transition à distance, sans contact, sans échange direct, voire sans échange tout court.
Si cette stratégie adaptative limite les tensions, elle isole pour autant l’enfant et le coupe de l’échange parental nécessaire à son équilibre.

L’enfant se retrouve spectateur  d’une permanence conflictuelle, peut-être plus sourde mais non moins destructrice pour ses fondements identitaires, relatifs notamment à la représentation qu’il se construira de la parentalité. Ces transmissions inconscientes peuvent conduire à nourrir une nouvelle mutation sociale de la famille…En effet, comment ne pas s’alerter face à la séparation effective du couple parental, après avoir vu la norme familiale s’affranchir d’une conjugalité établie et pérenne, sous le sceau du mariage. Un questionnement éthique serait-il impossible à mettre en œuvre, pour préserver ce qu’il reste d’une cellule familiale éparse  et prévenir la fragilité psychique de l’enfant lorsque les conflits annihilent la coparentalité ?
La médiation engage cette réflexion et invite à penser notre responsabilité dans  les affres d’une société décrite comme individualiste, au dépend des valeurs familiales.

Point Rencontre et médiation…

Écho

« Ce matin là, je suis arrivé(e) en avance, il me tardait, c’est si long… si douloureux… Mais comment va-t-il m’accueillir aujourd’hui ? 17 jours depuis la dernière fois… une éternité !
J’ai peur, peur de sa réaction, peur de perdre ce lien si fragile… Il est si petit. Deux heures… c’est si peu et sans autorisation de sortie… Et après ? Il va repartir avec eux. Que vont-ils lui dire sur moi ?
Je n’ai rien à faire ici, je ne suis pas comme les autres, je ressens de l’injustice, je me sens jugé(e), pointé(e) du doigt, le mauvais parent.
Qui sont ces gens autour de moi, qu’ont-ils fait ? La police est venue la dernière fois… Je n’ai rien à voir avec eux »

Le Point Rencontre est un lieu tiers de soutien, d’écoute apportés au parent en difficulté dans le lien avec l’enfant et inversement… L’utilisation d’objets, de supports de jeux variés servent de médiateurs et favorisent l’expression de la colère, le toucher, la coopération…
La présence d’intervenants qualifiés (Éducateurs Spécialisés, psychologues…) se veut rassurante, contenante, tout en étant, selon le positionnement des structures, à distance ou encadrante.

De nombreux témoignages relatés en médiation, montrent la difficile acceptation du parent contraint de voir son enfant dans ce lieu imposé. La décision posée par le magistrat se veut avant tout sécurisante pour l’enfant. Elle jette malgré elle, de facto, l’opprobre sur le parent et ses proches (les grands-parents, le ou la compagne…) pour lesquels le jugement pèse comme une mesure punitive. Ce sentiment est difficile à contenir, ravivé par l’atmosphère de ce lieu neutre, où selon l’organisation, les visites s’entrecroisent parfois dans un tumulte étourdissant pour le parent comme pour l’enfant.

Cet espace demeure parfois la seule alternative possible au maintien ou à la reprise du lien. La mesure échoue parfois, contrainte par le silence, la fermeture de l’enfant, voire son absence, ou la difficile adaptation du parent.

Les transitions en début et fin de visites lorsque sources de conflit, peuvent également participer à annihiler les petits pas alors construits.

A ces effets, la dimension systémique invite ici le Point Rencontre à voir la médiation comme soutien du travail effectué, sorte de relais, de continuum d’une parenthèse encore trop figée dans son seul champ d’intervention. La collaboration de ces deux espaces doit favoriser une approche constructive, où la relation parentale s’étudie par le médiateur, en regard croisé avec les avancées ou blocages relevés en Point Rencontre.

Un week-end sur deux

Écho

« La résidence alternée n’est pas possible, compte tenu de l’âge de votre enfant. Un week end sur deux et la moitié des vacances. Cette phrase résonne comme une sentence, sans appel. Je ressens de l’injustice. Que fait-on des droits du père ? Je suis – condamné – à payer une pension, mais mon droit ? Un week-end sur deux, je dois me contenter et me réjouir ? Comment mon enfant va-t-elle se construire sans son père au quotidien ? Le beau-père a plus que moi en définitive. Dans quelques années, je ferai à nouveau la demande, mais que va-t-on m’opposer ? La nécessaire entente entre les parents ? »

Entre colère, amertume et désespoir, ce père comme tant d’autres, déplore l’importance du matriarcat dans notre société, pourtant revendicatrice d’égalité hommes-femmes. En la matière il n’y aurait pas débat, la mère étant considérée comme la figure d’attachement primaire, par son omniprésence dans les premiers mois de vie de l’enfant (période in utero incluse).

Lien indéfectible dans l’absolu, mais dans la réalité, entre défaillances maternelles possibles et complémentarité dans le « caregiving », nombre de pères s’y substitueraient volontiers. La théorie de l’attachement invite à penser ce lien si ardemment défendu, non comme une évidence en soi mais bien comme une réalité complexe, aux prises avec les transmissions transgénérationnelles dont tout parent est porteur. Combat perdu d’avance diront certains (sauf à pouvoir justifier d’une défaillance maternelle) et constat d’un perpétuel écueil que celui de la surreprésentation des femmes aux postes de juges aux affaires familiales.

Face à un difficile équilibre père/mère dans le temps passé avec l’enfant, l’argument phare serait de privilégier la qualité à la quantité. Le ressenti souvent exprimé est celui de la frustration adossé à la colère, face à ce qui reste considéré comme un maigre lot de consolation, auquel s’ajoute un sentiment de n’être plus qu’un compte en banque.

A bien y réfléchir, nous contribuons peut-être par ce paradigme de la qualité versus la quantité, à nourrir, à renforcer les divergences éducatives, renforcées par l’opposition entre les rythmes contraints du quotidien et ceux plus relâchés du week end/des vacances. Plus l’écart se creuse, plus le risque de voir le lien d’attachement mère-enfant, à l’origine préservé, se déliter, amorce d’une possible bascule, lorsqu’une demande de changement de garde survient quelques années plus tard.

Combien de fois alors entendons-nous le ressenti d’injustice de la mère en charge de l’enfant au quotidien, lorsque celui-ci se projette brusquement, parfois par besoin d’opposition, dans le foyer idéalisé de son autre parent…

Comment dès lors co-construire une coparentalité cohérente, sécurisante pour l’enfant, dans une configuration du droit de garde, parfois insuffisamment questionnée sur ses effets à moyen/long terme ?

La résidence alternée semblait y répondre, participant d’une volonté à rendre équitable le temps passé, mais pas seulement ! L’enjeu se veut tout autant si ce n’est plus, centré sur l’intérêt de l’enfant. Mais cela demeure sujet de controverse, le débat oppose l’intérêt du parent à celui de l’enfant, au motif de la non prise en considération des difficultés d’adaptation de l’enfant et de ses besoins d’ancrage, de repères.

Il y aurait donc matière à repenser l’alternance sur sa forme imparfaite plus que sur son intention réduite parfois injustement à une « revendication inopportune ». Comment réduire l’inconfort du changement d’’environnement, comment donner des repères clairs et sécurisants à l’enfant ? Dans une société de plus en plus mobile, l’exercice est-il impossible ? …à réfléchir